Me concernant, ce qui est apparu clairement dans l’utilisation des nouvelles technologies ces dernières semaines, c’est l’importance encore et toujours du lien.
Et une question également… qu’est-ce que cette période nous enseigne pour l’après-crise ?
Dans télé-travail, ll y a « télé », loin, à distance. Puis vient le travail.
Ce que j’ai pu entendre depuis 2 semaines c’est l’importance de la qualité du lien qui se crée ou se maintient, de loin en loin, à distance. Que sommes nous en train d’apprendre ? Que finalement nous pouvons tous travailler de chez nous ? Pas vraiment. L’homme, animal grégaire, a besoin de l’autre, de se frotter aux autres, de les sentir. Est-ce à dire que le télétravail échoue ? Non plus. Je crois que cette période nous donne des indications qui disent tout autant notre capacité à faire vibrer un lien humain et à agir, même à distance. Mais elle nous indique aussi notre impuissance éprouvée par cet éloignement. À fortiori dans une situation de confinement. Il ne s’agirait pas – après cette période – de réduire les espaces de travail à leur portion congrue (dans une logique économique froide) mais probablement de réinventer de nouveaux modes de travail. Très probablement une grande partie de notre travail peut être effectuée à distance, si, comme tu l’écris Hélène, nous apprenons les codes et rituels pour faire oeuvre commune, autrement. Toute une culture.
Depuis quelques décennies les collectifs au travail se sont réduits. La difficulté que l’un des salariés pouvait éprouver, il pouvait la dire au sein de ce collectif et défendre son point de vue, soutenu par ce collectif. Depuis, chaque salarié – nourri quelquefois par les dernières approches (coaching, formation) en vigueur – est devenu son propre porte parole. Mais malgré ces « propositions » vendues quelquefois comme miraculeuses, cela ne suffit pas. Avoir une voix, porter cette voix, la faire entendre, c’est devenir un individu qui s’est rencontré, qui s’est découvert, au fil de sa vulnérabilité. Un individu qui a gagné en autonomie (auto-nomos / S’ériger ses propres lois), puissant quelquefois et fragile, aussi. Cela demande toute une éducation à soi et à sa façon de faire avec l’autre. Nous n’en sommes pas tous là.
C’est pour cela que je milite pour aller dans le sens du télétravail, plus précisément d’une certaine façon de faire du télétravail. Mais je militerai tout autant pour que l’humain, au centre de toute activité économique, le reste et qu’il le reste en chair et en os. Qu’il ait ses lieux, qu’il puisse construire de nouveaux collectifs.
Nous sommes inter-dépendants. Nous vivons parce que l’autre est là, qu’il nous fait face, quelquefois à travers un écran, mais aussi parce qu’on peut le voir, le sentir, l’entendre en direct.